
Le 17 décembre 2012, le pape Benoît XVI a reçu un rapport sur le « lobbying du Vatican » préparé par trois cardinaux de confiance. Le même jour, le pape a décidé de démissionner, décision qu’il a annoncée en février 2013, devenant ainsi le premier pape en 700 ans à démissionner de son propre chef. La démission du pape Benoît XVI a eu lieu le 28 février 2013. Sa décision fait suite à des mois de fuites en provenance du Vatican concernant des scandales de corruption, d’argent et de sexe. Le dossier a été baptisé « Vatileaks » et a sapé l’autorité de Benoît XVI. Son successeur, François, s’est vu confier l’une de ses nombreuses tâches, à savoir la fumigation de l’écurie de l’augia financière du Vatican.
« Vatileaks » a fait voler en éclats le code de silence du Vatican et a révélé une longue tradition de rivalité amère et de corruption parmi les cardinaux. Ce faisant, trois intrigues se sont dessinées : une campagne anonyme visant à saper l’autorité du cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État du Vatican et principal adjoint du pape Benoît XVI ; une bataille autour de l’avenir de la banque vaticane IOR ; et une tentative des cardinaux italiens d’exercer une plus grande influence sur le choix du successeur du pape Benoît XVI. « Il s’agit d’une lutte de pouvoir », a déclaré Lawrence Cunningham, professeur de théologie à l’université catholique de Notre-Dame. « Les gens laissent filtrer des informations dans la presse pour discréditer l’un ou l’autre.
Ces fuites brossent un tableau dégénéré du Vatican, considéré comme un nid de serpents. Une note de service a accusé le directeur de la banque du Vatican, qui a été licencié, de « dysfonctionnement psychopathologique » ; d’autres documents affirment que le cardinal Bertone a conspiré pour forcer le rédacteur en chef d’un journal catholique à démissionner en l’accusant faussement d’avoir eu une liaison homosexuelle. Parmi les malversations financières de mauvais goût décrites, citons le paiement excessif de 350 000 euros pour une crèche. Les médias italiens ont également révélé qu’un mafioso avait été enterré dans une basilique entre des papes et des cardinaux après que sa veuve eut fait un don substantiel à l’église. Il y a même eu des détails sur l’amitié inappropriée de Bertone avec l’ancien premier ministre italien en disgrâce, Silvio Berlusconi.
Les enjeux sont importants. La banque du Vatican, l’IOR (Istituto per le Opere di Religione), gérait en 2023 des actifs d’une valeur de 5,6 milliards d’euros provenant de 12 361 clients. Tout banquier patrimonial aimerait avoir une telle fortune sous son aile. À cet égard, le scandale Vatileaks n’est que le dernier chapitre d’une longue histoire de petites et grandes intrigues du Vatican. En 1958, le médecin du pape Pie XII a pris des photos du prélat sur son lit de mort et a tenté de les vendre à des tabloïds italiens ; en 1982, Roberto Calvi, surnommé le « banquier de Dieu » en raison de ses liens étroits avec le Vatican et la mafia italienne, a été retrouvé pendu au pont Blackfriars de Londres, un meurtre qui n’a toujours pas été élucidé. Mais même ces épisodes peu reluisants pâlissent en comparaison des transgressions des papes de la Renaissance, qui se corrompaient eux-mêmes, avaient des maîtresses et nommaient des membres de leur famille à des postes élevés au sein de l’Église. Le pape Sixte IV a construit la chapelle Sixtine, mais a nommé six de ses cousins cardinaux. L’un d’entre eux, Jules II, mécène de Michel-Ange et de Raphaël, a amassé une fortune en vendant des indulgences, qui dispensent les pécheurs du châtiment éternel. Cette pratique a tellement choqué Martin Luther qu’il a rompu avec Rome et lancé la Réforme protestante.
François, successeur de Benoît en 2013, a dû redresser l’image de l’Église. Il n’y avait pas que le « Vatileaks », mais surtout les abus sexuels au sein de l’Église et l’approche conservatrice de Benoît. Le nouveau pape tente d’y parvenir en limitant les dégâts des « Vatilaeks » d’une part et en s’attaquant à la banque IOR du Vatican d’autre part. Deux suspects de « Vatilaeks » ont été condamnés par le tribunal du Vatican pour avoir divulgué des informations : Paolo Gabriele, le majordome du pape Benoît, a été condamné à 18 mois de prison ; la même peine a été infligée au cardinal Lucio Balda. Ils sont envoyés dans le désert, chargés de tous leurs péchés. Ce désert est une cellule de prison à l’intérieur des murs du Vatican. Gabriele a purgé sa peine et est mort en 2020. Balda a été gracié par le pape François après avoir purgé la moitié de sa peine. (Lire la suite ci-dessous)
L’IOR a été contraint de devenir plus transparent et de publier un rapport annuel. En outre, un conseil de surveillance ayant des liens avec la Belgique a été créé. Le président du conseil d’administration est le Français Jean-Baptiste Douville de Franssu. Ce dernier est marié à Hélène de Gerlache de Gomery, un descendant de la famille noble belge surtout connue pour l’explorateur Gaston de Gerlache. L’un des administrateurs est François Pauly, l’ancien directeur général de la banque publique belge Dexia au Luxembourg. Bernard Brenninkmeijer est également membre du conseil d’administration. Il représente la famille milliardaire néerlandaise catholique qui possède le groupe C&A, y compris l’immobilier du groupe qui possède des succursales dans toutes les grandes villes européennes.
Avec François, le Vatican est entré dans des eaux financières plus calmes. Mais le pape latino-américain reste fidèle à ses promesses d’austérité. En plusieurs étapes, il réduit de 20 % les salaires des cardinaux travaillant au Vatican, pour les ramener à environ 5 000 euros par mois. Non pas que ces salaires soient désormais transparents, mais il existe encore de nombreux avantages matériels. L’un d’entre eux, le logement gratuit dans une propriété de l’Église à Rome, est en train d’être supprimé par le pape afin de rééquilibrer le budget déficitaire du Vatican. Aucune de ces interventions financières de François n’est accueillie par des acclamations ; au contraire, les critiques à l’égard de François résonnent parfois fort dans les murs de l’Église. Ce sont ces mêmes cardinaux qui doivent maintenant élire le nouveau pape.