La famille Cigrang d’Anvers entretient des relations difficiles avec la Belgique, tant sur le plan financier que sur le plan opérationnel. Cela est peut-être lié au passé de guerre de cette famille basée à l’origine au Luxembourg. La compagnie maritime Cobelfret aurait été fondée en 1928 par Leon Cigrang. Mais l’historien Etienne Verhoeyen a découvert qu’elle avait en fait été fondée en 1938 par Marcel Cigrang, le frère de Léon, à l’instigation des services d’espionnage allemands. Marcel Cigrang continuera à travailler pour l’armée allemande même après 1940. Entre-temps, Camille Cigrang devient le père de l’entreprise familiale. Dans les années 1980, il transfère le siège social au Luxembourg. Camille Cigrang a lui-même la double nationalité belge et luxembourgeoise. Il a laissé la direction de sa société de transport maritime à son fils Christian, âgé de 45 ans. Avec ses frères Jean-Philippe, Pierre et Michel, il est également l’actionnaire principal du groupe Cobelfret.
Cette compagnie maritime a un passé opérationnel difficile en Belgique. Cigrang a dû mener de rudes combats avec plusieurs autorités portuaires. À Ostende, par exemple, les choses ont mal tourné. Il en a été de même à Zeebrugge, mais le groupe y est revenu. Cobelfret est une entreprise très diversifiée, qui assure notamment le transport intercontinental de marchandises sèches en vrac telles que le charbon et le minerai de fer, ainsi que des services de transbordement de passagers et de véhicules vers la Grande-Bretagne. En outre, le groupe exploite sept terminaux portuaires dans les ports de la mer du Nord.
Comme son père, Christian Cigrang fuit les médias et la publicité. Néanmoins, la famille est un nom bien connu dans le monde de l’art. Elle gère notamment une importante collection d’art moderne. En outre, le groupe familial anversois a pris une participation majoritaire dans l’entreprise de mode A.F. Vandervorst en 2013. Pierre Cigrang en est devenu le nouveau directeur général. Le groupe a également pris une participation de 50 % dans la maison de couture Christian Wynant.
En 2010, la famille a opéré une diversification majeure en dehors du transport maritime. Cigrang a payé environ 130 millions d’euros pour une participation de 11 % dans la Banque Degroof, l’un des principaux gestionnaires d’actifs du pays. Cigrang est ainsi devenu immédiatement le deuxième actionnaire de la banque. Cette participation doit être en quelque sorte le ticket d’entrée du groupe dans la haute finance belge. Cette participation a également obligé la famille à transférer ses parts dans la banque à une société holding distincte pour permettre un contrôle bancaire financier.
En 2015, la fusion entre les gestionnaires de fortune Degroof et Petercam s’est concrétisée. Le nouveau banquier patrimonial Degroof Petercam est devenu le leader du marché en Belgique. De nombreux calculs ont précédé cette fusion. L’objectif ultime était d’amener les actionnaires des deux groupes à intervenir en même temps. Pour ce faire, Degroof a mis de côté 105 millions d’euros dans la société Degroof Equity. En 2015, 91 millions d’euros seront distribués aux actionnaires de l’ancienne banque. Les principaux sont la famille portuaire anversoise Cigrang, les grands actionnaires d’AB Inbev de Spoelberch et l’actionnaire historique, la famille Philippson. Cigrang perçoit 34 millions d’euros.
Trois ans plus tard, en 2018, on apprend que les frères Christian (53 ans), Jean-Philippe (54 ans) et Michel (47 ans) Cigrang ont mis 18 millions d’euros sur la table pour devenir propriétaires de l’île d’Espalmador, dans les Baléares, en Espagne. L’île, qui mesure 3 kilomètres de long et 800 mètres de large, est appréciée par les plus grandes fortunes du monde. Le prince William, Kate Middelton et Paris Hilton y ont notamment séjourné. L’île comprend deux maisons, quelques dépendances et une chapelle blanche. Aucune construction supplémentaire n’est autorisée. L’île est presque entièrement privée.
