Ce matin, le parquet fédéral a effectué 10 perquisitions dans le cadre d’une affaire de corruption impliquant la société belge de construction CFE au Tchad. Luc Bertrand, patron du groupe Ackermans & van Haaren et numéro 22 de notre liste, et Raymund Trost, directeur de CFE, auraient également été interrogés. Il s’agit de l’implication présumée des responsables de CFE dans des faits de corruption lors de la construction d’un hôtel au Tchad. Le parquet fédéral l’a annoncé mercredi dans un communiqué de presse. Selon les sites Internet du Soir et de De Standaard, Luc Bertrand, 73 ans, fait partie des personnes arrêtées. Le baron est président du holding coté en bourse Ackermans & van Haaren (AvH), qui détient la majorité du groupe de construction CFE, également coté en bourse. Il est également le père de la secrétaire d’État fédérale au budget démissionnaire Alexia Bertrand et jouit de la réputation d’être le principal représentant en Belgique de la « haute finance » classique. Sa fille Alexia était une figure clé du cabinet du chef du MR Didier Reynders avant d’être nommée secrétaire d’État.
Le parquet fédéral a ouvert une enquête sur des soupçons de corruption de la société CFE et de certains de ses représentants belges et français dans le cadre de la construction du Grand Hôtel à N’Djamena, au Tchad, et du recouvrement de la dette que le Tchad aurait encore à l’égard de CFE », indique le communiqué de presse. CFE a remporté l’appel d’offres en 2013 pour la construction du Grand Hôtel dans la capitale de ce pays africain, frontalier de la Libye au nord. Mais la réalisation du projet, qui a été livré en 2016, a connu de grandes difficultés. CFE a eu le plus grand mal à se faire payer ses factures et le gouvernement tchadien lui devrait encore plus de 50 millions d’euros.
Le consultant français Michel Marstal, qui a été impliqué dans le projet tchadien pendant des années, jette aujourd’hui de l’huile sur le feu. Selon lui, CFE a versé au Tchad 15 millions d’euros de pots-de-vin entre 2016 et 2019. Une enquête menée par De Standaard, Le Soir et Mediapart a révélé que Marstal s’est présenté au tribunal avec des centaines de documents compromettants. Le parquet fédéral a indiqué avoir lancé son enquête suite à une dénonciation d’un intermédiaire financier en avril 2024. L’enquête est menée par un juge d’instruction bruxellois et a été confiée au Bureau central de lutte contre la corruption (CDBC). Une équipe d’enquête conjointe dirigée par l’agence européenne Eurojust et le Parquet national financier (PNF) français a été mise en place.
Dix perquisitions ont été menées dans différents lieux mercredi matin, dont six en Belgique. En Belgique, elles ont eu lieu à Auderghem, Ixelles, Lasne, Hoeilaart et à deux adresses à Sint-Pieters-Woluwe. Le siège de CFE se trouve à Auderghem. Luc Bertrand habite à Woluwe-Saint-Pierre. Quatre personnes ont été interrogées. Outre Luc Bertrand, il s’agit, selon Le Soir, de Raymund Trost, administrateur délégué de CFE depuis 2022, et de son directeur financier Fabien De Jonge. Patrick Bonnetain, l’ancien directeur des opérations internationales de CFE, serait la quatrième personne interrogée. Le juge d’instruction décidera ultérieurement de leur arrestation. Dans l’intérêt de l’enquête, aucune autre information ne sera communiquée », a déclaré le bureau du procureur fédéral. La CFE a précédemment démenti les allégations de Marstal. « Les rapports sont un mélange d’informations publiques et de soupçons non fondés », avait-elle déclaré à l’époque.
La CFE n’est actuellement plus active au Tchad. L’entreprise a dû radier complètement ses engagements financiers, qui s’élevaient à plus de 70 millions d’euros. Fait remarquable, il a également été annoncé aujourd’hui que l’entreprise de dragage cotée en bourse DEME, l’ancienne filiale de CFE dont AvH détient toujours la majorité, pourrait enregistrer une victoire importante dans une affaire de corruption russe. Un tribunal de Gand a déclaré irrecevables les accusations pénales portées contre DEME, son ancien PDG Alain Bernard et un consultant indépendant. L’affaire, qui a démarré après une plainte du concurrent Jan De Nul, concernait des pots-de-vin présumés versés lors de l’attribution de travaux de dragage dans le port russe de Sabetta en 2014.
UPDATE
Luc Bertrand a été interrogé, mais il a été remis en liberté sans autre forme de procès, ont rapporté les médias francophones.