OPINION – L’impôt sur la fortune et l’échec du libéralisme politique

« La richesse est l’oxygène de la croissance. Ceux qui la taxent détruisent les entreprises ». C’est ce qu’écrivent plus de 400 Belges fortunés dans une lettre ouverte en réponse à la campagne de plus en plus performante des partis politiques de gauche en faveur de l’introduction d’un impôt sur la fortune. Dans exactement deux semaines et un jour, ce seront les élections fédérales et régionales. Ce qui se passe actuellement est une vente aux enchères politique. Mais tout de même. Les familles fortunées devraient aussi regarder dans leurs propres poches. Elles n’ont pas anticipé ces dernières années, voire décennies, la pression croissante en faveur d’un impôt sur la fortune. Et cet impôt sur la fortune est en fait la dernière réponse politique à l’impuissance politique de lever de nouveaux impôts. Le citron social semble avoir été complètement évincé. La pression fiscale a atteint ses limites, surtout en période d’incertitude économique où la croissance n’est plus une évidence. Les Belges fortunés qui acceptent de participer au débat sur la richesse sont des exceptions, à l’instar de Roland Duchâtelet et, il y a longtemps, d’Etienne Davignon. Même si l’agenda de ce dernier n’était pas toujours transparent. Soit. Si cela avait été anticipé auparavant, les familles fortunées pourraient maintenant dire : nous avons déjà payé.



Et ce qui est curieux, c’est qu’elles ont effectivement déjà payé. Principalement par le biais des cotisations au rsz pour l’emploi, mais aussi, d’un autre côté, par le biais de la retenue à la source sur les dividendes et les intérêts, et par le biais des impôts sur les héritages et sur les biens immobiliers. Seulement, il n’y a plus de représentation politique pour les entrepreneurs dans ce pays. Les dirigeants politiques libéraux ont donné l’impression de ne penser qu’à eux-mêmes. Cela pourrait s’avérer être le cas le 9 juin. Les entrepreneurs ont depuis longtemps reporté leurs espoirs sur la N-VA. Mais là aussi, les signaux sont diffus, y compris l’impact croissant de Zuhal Demir qui, dans le dossier de l’aéroport de Zaventem, le deuxième bastion économique du pays après Anvers, occupe une position douteuse que même son leader Bart Dewever ne peut apparemment pas ajuster.

« Ce que veulent les entrepreneurs, c’est la paix sociale et un système fiscal équitable qui permettra à la Belgique de rester un pays attractif où il fait bon vivre et travailler pour les générations à venir ». C’est ce que dit un entrepreneur qui appartient discrètement à ces familles riches. En fait, ce devrait être le fondement de tout parti politique qui défend l’intérêt social. Les médias ont également un défi à relever. Ils sont largement responsables de la polarisation de la société. Leurs produits numériques sont alimentés par des algorithmes qui n’ont pas de normes sociales comme point de départ, mais qui sont simplement motivés par le profit des clickbaits. Chaque fois qu’une personne s’abonne à un produit numérique de HLN.be, les algorithmes notent l’article ou les images qu’elle regarde au moment où elle paie. Et c’est sur ces thèmes que le travail doit se poursuivre. Intéressant ou non. Et un impôt sur la fortune semble aujourd’hui très bien placé dans ces priorités algorithmiques.

Ludwig Verduyn