RIP : Thyl Gheyselinck, l’homme qui a fermé les mines du Limbourg

Thyl Gheyselinck sur une photo de 1986. (Photo : Belga Images)

Le week-end dernier, Thyl Gheyselinck est décédé à Cascais, au Portugal, à l’âge de 83 ans. M. Gheyselinck était le directeur de Kempische Steenkoolmijnen (KS), qui a fermé ses mines dans le Limbourg à la fin des années 1980. Il l’a fait de manière volontariste, ce qui lui a permis d’éviter les troubles sociaux. Cela a été possible principalement parce que le gouvernement belge a débloqué 2,5 milliards d’euros pour accompagner cette fermeture. Gheyselinck a opté pour une fermeture plus rapide des mines, laissant un solde de près d’un milliard d’euros. Sur ce montant, 600 millions d’euros serviront de base aux projets de reconversion du Limbourg et à un nouvel avenir économique pour la province minière. Après la fermeture des mines, il avait une autre ambition : alléger la fonction publique. Cela faisait de lui un Elon Musk pour l’époque. Cette opportunité lui a été refusée par les politiciens. Il s’est installé dans le sud du Portugal et a donné sa dernière interview dans un journal en 2012.

Le Limbourg comptait sept mines de charbon, à Beringen, Eisden, Houthalen, Waterschei, Winterslag, Zolder et Zwartberg. Ces mines ont joué un rôle déterminant dans la reconstruction économique de la Belgique après la Seconde Guerre mondiale. Mais à partir des années 1960, le pétrole, le gaz et l’énergie nucléaire ont pris le pas sur le charbon, et les mines sont devenues déficitaires. Le gouvernement Martens de l’époque estime que cette situation n’est plus acceptable et, en août 1986, il engage Thyl Gheyselinck pour assainir et restructurer les six mines de charbon restantes – Zwartberg ayant fermé depuis longtemps – et leurs 18 000 employés.



Thyl Gheyselinck est né en 1941 en Nouvelle-Guinée, où son père, originaire de Flandre occidentale, travaillait pour la compagnie pétrolière Shell. Lui-même travaillera pour Shell pendant 19 ans, notamment à Londres, Singapour, Kinshasa et Lisbonne. Fin 1986, il déballe son plan de restructuration de KS et une destination pour les 2,5 milliards d’euros du gouvernement. « Je n’oublierai jamais cette conférence de presse », raconte Eric Donckier, qui, en tant que directeur politique du Het Belang van Limburg, a suivi ce dossier de près. « Je m’attendais à un gros livre, mais le plan Gheyselinck comptait à peine cinq pages, un dessin et quelques graphiques. Curieusement, il contenait toutes les réponses à nos questions ».

J’ai découvert le même volontarisme en interviewant le directeur de l’époque pour le journal qui s’appelait alors De Financieel-Economische Tijd. Gheyselinck parlait avec une sorte d’optimisme ouvert, comme s’il était à l’abri de toute pression ou critique. Il n’utilise que rarement des documents papier. « Les mines étaient le bouchon de la bouteille de champagne limbourgeoise. Elles ont longtemps étouffé le potentiel et le dynamisme de cette province ». C’est un mot d’esprit qu’il aimait utiliser.

En tant que chef du gouvernement, il a choisi de fermer les mines à un rythme accéléré. Il reste alors près d’un milliard d’euros, dont 600 millions peuvent servir de base à toutes sortes de projets de reconversion dans le Limbourg. L’un de ces projets de reconversion a été le projet ERC (Education, Recreation and Culture), un gigantesque complexe sur le site de la mine de Waterschei. Il était censé créer 3 000 nouveaux emplois par le biais de magasins et de maisons de vacances. Mais des querelles politiques ont fait capoter le projet. Cet échec a poussé Gheyselinck vers la sortie au début de l’année 1991. Lorsque je lui ai demandé ce qu’il voulait encore faire en Belgique après la fermeture des mines, il n’a répondu qu’une chose : alléger l’appareil gouvernemental belge. (Lire la suite en dessous de la photo)

Thyl Gheyselinck en 1986, avec à sa droite le ministre socialiste de l’époque, Norbert De Batselier. (Photo : Belga Images)

Le travail de Thyl Gheyselinck n’a été possible que grâce à l’enveloppe de 2,5 milliards d’euros allouée par le gouvernement. C’est d’ailleurs le seul point négatif de l’histoire. Dans le cadre de ce projet ERC, Gheyselinck a pris des participations à hauteur de 50 millions d’euros dans la chaîne vidéo SuperClub et dans l’entreprise de construction Pieters-De Gelder. Cet argent a été perdu. Pour son implication dans cette affaire de fraude, il a été condamné en 2001 à une amende et à une peine de cinq mois de prison avec sursis. « Cela a été le point le plus bas incompréhensible de ma vie. J’assume l’entière responsabilité de ce qui s’est passé, mais je n’accepte pas que l’on puisse douter un seul instant de mon honnêteté. J’ai tout donné pendant cinq ans pour la KS. J’ai toujours tout fait avec les meilleures intentions du monde. Je ne me suis jamais enrichi personnellement. L’argent n’a jamais été mon ambition », a déclaré Gheyselinck dans une interview au Het Belang van Limburg à la mi-2012. Après avoir déménagé au Portugal, les choses sont restées calmes autour de sa personnalité. Trop discret pour ce qu’il avait réalisé.

(Article : Ludwig Verduyn)