
Lorsque deux géants entrent en collision, le monde tremble un peu. C’est ce qui se passe actuellement à Anvers avec la Boerentoren. Il y a un mois, le milliardaire portuaire Fernand Huts a obtenu l’autorisation de démolir les trois derniers étages de « sa » Boerentoren et de retirer immédiatement le logo de la KBC du bâtiment emblématique. Fernand Huts a demandé à l’architecte Daniel Libeskind de créer un nouveau design pour le sommet de la tour. Mais Eric De Vocht, le promoteur immobilier anversois dont la société Iret est présente un peu partout dans la ville portuaire, notamment en tant que propriétaire du centre commercial Grand Bazar et de l’hôtel Hilton, n’a pas pu s’y résoudre. Ces deux sites sont adossés aux Boerentoren. De Vocht lui-même souhaitait acheter la tour et l’intégrer dans ses plans pour la Groenplaats d’Anvers. Le promoteur a attendu l’avant-dernier jour pour faire appel du permis de démolir qui autorise la démolition de la « couronne » de la tour. En tant que promoteur immobilier accompli, De Vocht connaît toutes les astuces pour contrecarrer les projets immobiliers. Huts les connaît également.
Eric De Vocht, 80 ans, ne voit pas d’un très bon œil les projets de Huts pour la Boerentoren, c’est le moins que l’on puisse dire. En 2023, De Vocht et sa société Iret ont racheté à l’assureur français AXA le centre commercial Grand Bazar, situé à Groenplaats, à Anvers. De Vocht rénovera le centre commercial et le fusionnera avec l’hôtel Hilton adjacent. De Vocht a acheté cet hôtel en 2019. Les deux sites sont situés à l’ombre de la Farmer’s Tower, au sens propre comme au sens figuré. Le promoteur immobilier, toujours discret, a déjà fait parler de lui pour l’agrandissement de son hôtel cinq étoiles anversois Botanic Sanctuary. Il a également développé l’ancienne Kievitplein derrière la gare centrale, aujourd’hui dominée par le bâtiment DPG de Christian Van Thillo et rebaptisée Mediaplein. Le site de Post X à la gare de Berchem est également un projet de De Vocht.
De Vocht veut s’attaquer aux deux sites, l’hôtel Hilton et le Grand Bazar, en combinaison. Le promoteur immobilier parle d’un « projet mixte sérieux ». L’année dernière, sa société Iret a présenté des plans d’agrandissement de l’hôtel Hilton. L’hôtel compte actuellement 210 chambres, qui devraient passer à 347. Les chambres existantes seront également rénovées. Des étages supplémentaires seront ajoutés pour les chambres additionnelles. Il y aura également une salle de sport, un hall d’entrée, une salle de fête et une salle à manger. Il est également à noter qu’un permis est demandé pour la construction et l’exploitation d’une piscine de 15 mètres de long et de 6 mètres de large. L’hôtel Hilton sera étendu aux étages supérieurs du centre commercial Grand Bazar. Des salles de réunion pourraient également y être construites. Le rez-de-chaussée du complexe, dont la façade est notamment protégée, resterait un espace commercial. De Vocht a déposé une demande de permis d’urbanisme pour tout cela en août 2024. Une enquête publique a suivi, qui s’est déroulée du 16 août au 16 septembre. Le rêve de De Vocht était de réaménager le Grand Bazar dans le cadre d’un mégaprojet avec les Boerentoren adjacentes. Jusqu’à ce que ce dernier tombe entre les mains du milliardaire Fernand Huts, de Katoen Natie, et du promoteur ION, de Paul Thiers, de Waregem. On ne sait pas si Huts s’est opposé aux projets de De Vocht l’année dernière.
Il y a peu de chances, voire aucune, que les deux investisseurs immobiliers aient discuté d’une forme de coopération. Huts et De Vocht sont tous deux connus pour leur persévérance. Et pour l’un comme pour l’autre, Anvers est un projet qui porte leur nom. A cela s’ajoute le fait que De Vocht a attendu presque jusqu’au dernier jour pour déposer une plainte contre les projets de Huts. Il s’agit d’une tactique éprouvée qui empêche la partie adverse de disposer d’une marge de manœuvre pour délibérer ou faire intervenir d’autres forces. (Plus d’informations sous la photo)
Le projet de Huts doit maintenant retourner devant le conseil provincial d’Anvers. C’est lui qui devra démêler le nœud gordien. Le mois dernier, lors de l’approbation du permis d’environnement pour la démolition, l’échevin socialiste du développement urbain Patrick Janssens a assorti l’autorisation d’un certain nombre de conditions. La démolition doit être achevée dans les deux ans, après quoi Fernand Huts dispose de cinq ans pour remettre le sommet de la tour dans son état d’origine. Katoen Natie, la société de Fernand Huts, affirme vouloir démolir la couronne de la Boerentoren parce que le bâtiment souffre de problèmes de stabilité. Selon une étude réalisée par le bureau d’ingénieurs Bollinger+Grohmann à la demande de Katoen Natie, la tour se trouverait dans une situation de stabilité. La charge de vent au sommet de la tour ne serait plus calculée conformément aux normes et à la situation actuelles. D’autant plus que des « modifications structurelles pernicieuses » ont eu lieu depuis la construction de la tour originale avant 1931, y compris la construction des étages supérieurs supplémentaires au milieu des années 1970. Lorsque le sommet de la tour s’effondrera, il y a de fortes chances qu’il se retrouve sur le site d’Eric De Vocht. Ce dernier peut d’ailleurs à nouveau faire appel de la décision du conseil provincial auprès du Conseil du contentieux des permis. Ensuite, il est encore possible de porter le dossier devant le Conseil d’Etat. La fin de la saga Boerentoren n’est donc pas encore en vue.